["Amour & Vie", "Ados : le mirage des premières amours"]

Beaucoup d’ados ont un ou une petite ami(e), même dans les milieux cathos. C’est normal, non ?


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Ados : le mirage des premières amours

Beaucoup d’ados ont un ou une petite ami(e), même dans les milieux cathos. C’est normal, non ?

Ados : le mirage des premières amours (1/2)

Les vacances sont l’occasion de rencontres entre adolescents d’où naissent parfois de premières amours. Un discernement s’impose ? Quelques pistes de réflexion au sortir de l’été, avec l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, jeune vicaire à la cathédrale Saint-Louis de Versailles.

Beaucoup d’ados ont un ou une petite ami(e), même dans les milieux cathos. C’est normal, non ?

En voyant beaucoup de leurs amis « sortir ensemble », selon l’expression consacrée, tous ces petits couples déjà scotchés, y compris à la sortie de nos meilleurs lycées ou de nos belles paroisses, certains jeunes se demandent : « Suis-je normal de ne pas avoir encore de petit(e) ami(e) ? » Il ne s’agit pas de coller à la norme, mais de chercher ce qui rend vraiment heureux. Et ce n’est pas la collection d’«ex», comme on dit. Les vraies stars aujourd’hui ne sont pas ceux qui collectionnent les conquêtes, mais ceux qui ont le courage de dire non pour pouvoir, un jour, dire oui.

Les jeunes disent souvent : « Je l’aime, donc je sors avec elle, où est le mal ? »

En disant : « Je l’aime », beaucoup pensent en fait : « Je suis amoureux d’elle ». Ils ressentent un sentiment amoureux, une attirance pour cet(te) ami(e). Mais en « sortant avec elle », ils vont poser des paroles et des gestes qui veulent dire beaucoup plus que ce qu’ils sont prêts à donner. ** Quelle différence faites-vous entre aimer et être amoureux ?**

Etre amoureux, c’est un sentiment. Rien n’est décidé, rien n’est maîtrisé. C’est sincère mais, comme tout sentiment, c’est fluctuant : on peut avoir un coup de foudre pour Pierre et, six mois plus tard, se sentir attiré vers Paul. Marié depuis trois semaines, vous pouvez très bien tomber amoureux de la voisine et être sincère. Si la seule référence pour avancer est ce qui est ressenti, ça ne va pas être simple !

Etre amoureux ne peut suffire pour permettre un engagement solide. Il va falloir éprouver ce sentiment et prendre le temps de le laisser mûrir dans le secret, apprendre à connaître, à aimer l’autre tel qu’il est et non pas pour ce qu’il apporte… pour un jour arriver au choix d’aimer. On est prêt à aimer quand on est capable de dire : « Je te choisis pour toujours ». Ce n’est pas un CDD (contrat à durée déterminée), ni un acte qui se pose au bout de cinq jours de JMJ ou d’une soirée.

Mais on peut être amoureux à 15 ans !

Bien sûr qu’on peut tomber amoureux à 15 ans. Mais c’est plus souvent par besoin d’être aimé que d’aimer. On n’est pas prêt à cet âge, car on n’est pas capable encore de choisir pour la vie et on ne peut donc rien promettre. Il va falloir prendre le temps de passer du fait d’« être amoureux » à la décision d’« aimer ». À 15 ans, c’est vraiment le temps de l’amitié, garçons et filles, un temps où l’on construit des relations privilégiées et où l’on apprend à se connaître sereinement sans cette pression : « Je plais ou non ? »

L’amour peut naître au sein de ces amitiés. Mais c’est bien plus simple d’en rester là pour l’instant. Celui qui dit facilement « je t’aime » aujourd’hui, qui embrasse aisément, aura du mal à vivre de vraies fiançailles, à être fidèle dans son couple ensuite. Tout cela se prépare.

Cela engage tellement d’embrasser quelqu’un ?

C’est un geste très beau. Mais il restera magnifique s’il est vrai, s’il n’y a aucun décalage entre ce que signifie ce geste et ce qui est vécu réellement dans le cœur. « Que les gestes de votre corps soient le reflet de votre cœur », disait Jean-Paul II. Il nous invite à y tendre, pour notre vrai bonheur. C’est très dur, parce qu’on a un immense besoin d’être aimé et qu’on est souvent tenté d’aller au plus court. Or embrasser quelqu’un, c’est déjà une façon de se donner, c’est un appel au don total. Un geste qui vient couronner une promesse. Si on veut en préserver la beauté, et donc la joie, on ne le donne pas à n’importe qui.

« Si je ne sors pas avec lui, il va aller en chercher une autre », pensent certains ?

Celui qui a peur de perdre l’autre et s’y cramponne n’aime pas encore. Celui qui a une maturité affective est capable d’attendre, de vivre au milieu d’un groupe d’amis plus large, d’expérimenter l’amitié gratuite, sans rien réclamer. Les adolescents ont tout à gagner à être exigeants les uns avec les autres, à s’aider mutuellement, à rester vrais dans leurs relations. ** Si un garçon et une fille ne sortent pas ensemble, comment peuvent-ils se rendre compte qu’ils se conviennent ?**

Mais justement, pour le savoir, qu’ils vivent une véritable amitié respectueuse de la liberté. Elle est essentielle pour discerner tranquillement ! Croyez-vous que les petits couples de 16 ans soient réellement libres ?

Combien de fois ai-je entendu cette confidence de la part de jeunes filles : « J’ai accepté de sortir avec lui pour ne pas le perdre » et, un ou deux ans plus tard, cet aveu : « J’ai accepté de coucher avec lui pour ne pas le perdre ». Où est la liberté ? Où est l’amour quand on ose réclamer l’autre comme un dû, sans attendre de le recevoir comme un don ? ** Alors, selon vous, les gestes d’amour rendent moins libre pour discerner le véritable amour ?**

Bien sûr : souvent le corps choisit avant le cœur ! Les gestes physiques créent des liens très forts et c’est normal. Ensuite, c’est plus difficile de savoir ce qu’on veut vraiment. Il faut en prendre conscience et attendre le choix de son cœur et de sa volonté, si l’on veut que ce soit un amour véritable et solide. Dix ans plus tard, coucher ensemble n’éclairera pas plus.

Certains parents disent parfois : « Tu peux t’amuser, sortir avec des filles, mais ne dépasse pas les limites ».

La vraie question n’est pas ce qu’il ne faut pas faire. Le but n’est pas de tracer une ligne jaune avec laquelle on va flirter –€“ c’est le cas de le dire –€“ avant de la dépasser un jour ou l’autre (« Mon Père, on connaît nos limites », tu parles !). La réussite du futur amour se prépare dès maintenant. Que c’est beau de pouvoir dire un jour à l’autre : « Ça a été dur, mais j’ai voulu t’attendre. Avant même de te connaître. Pour pouvoir te dire un oui total ». Le but, c’est la joie mutuelle. C’est possible de dire non en expliquant pourquoi ?

Un jeune peut être marqué en voyant un autre renoncer aujourd’hui à une relation facile pour offrir du solide plus tard. J’en ai vu certains retournés par cette exigence. Sans faire des discours, il est possible de répondre qu’on veut attendre avant d’être sûr d’aimer, que c’est une question de respect, que l’autre n’est pas un objet de consommation, le énième sur une liste de conquêtes. ** Que diriez-vous à des ados de 13-14 ans qui sortent déjà ensemble ?**

Je ne m’extasie pas du tout devant des petits flirts en trouvant cela mignon, comme le font certains parents ! Je dis aux jeunes : « Vous n’êtes pas faits pour un petit ami, une petite amie, mais pour aimer d’un grand amour ! »

Cela vaut le coup de ne pas se contenter de relations faciles, de se battre pour acquérir la maîtrise de soi, de travailler sa volonté en se donnant dans les études, les activités sportives, scoutes ou autres, les belles amitiés. Ces petits flirts, sous leurs apparences anodines, ne sont jamais neutres. Beaucoup en sortent blessés.

Pourquoi blessés ?

À se donner facilement, on risque de s’habituer et de perdre le sens des gestes de tendresse. On arrive à une pauvreté affective. Je vois beaucoup de jeunes très généreux qui s’abîment parce qu’ils se sont embarqués trop vite, trop tôt, dans des relations affectives, pourtant sincères.

Mais la sincérité ne suffit pas ! Faire des confidences, poser des gestes de tendresse qui créent des liens sensibles très forts, échanger des promesses sans prendre le temps de vraiment discerner, et « casser » six mois ou deux ans plus tard, laisse des traces. Et on s’aperçoit après coup qu’on s’est laissé entraîner par des sentiments que le temps aurait pu éprouver.

Si je commence, à 15 ans, à « sortir », à 18 ans cela ne suffira plus, et à 25 ans je n’aurai plus rien à offrir de neuf. Je vois des jeunes blessés parce que leur cœur est usé d’avoir dit si souvent « je t’aime ». Cela finit par ne plus rien signifier. On le leur a dit si souvent… avant de les laisser tomber : le cœur finit par douter que l’amour pour toujours est possible.

D’un côté l’Église magnifie l’amour humain, de l’autre la morale chrétienne met en garde contre les expériences amoureuses !

On dit que l’Église serait contre l’amour. Au contraire, elle s’en réjouit ! Elle est au service du bonheur vrai. Son discours n’est pas une liste d’interdits ; comme un écrin, elle protège et elle met en valeur cette capacité à aimer, si précieuse et si fragile.

Beaucoup de jeunes compartimentent leur vie : d’un côté la vie affective, de l’autre la vie spirituelle. Ils ne pensent pas à voir un prêtre pour les aider à discerner. Quand on veut atteindre un sommet, on prend un guide. Le père spirituel est ce guide qui aide à viser haut pour être le plus heureux possible, à choisir les bons chemins en donnant des critères de discernement objectifs. Il n’est pas là pour juger mais pour aider à relever, encourager.

Si l’on vous écoute, on ne peut plus beaucoup s’amuser !

Rechercher la liberté et la pureté, c’est tout sauf être coincé. C’est au contraire une condition pour la joie, la vraie. Pour beaucoup, derrière des airs libérés se cache un grand manque de liberté : dépendance du regard des autres, peur de ne pas plaire, ou de ne pas faire viril.

Du coup, on séduit pour se rassurer. Pourtant, l’ambiguïté, les expériences à répétition, provoquent une grande désillusion. Et les prouesses étalées ne balaient pas la souffrance. Souvent, ceux qui « s’éclatent » le plus, finissent par envier ceux qui ont su attendre. ** Quand on découvre ce message après des expériences multiples, n’est-il pas trop tard ? On est déjà blessé…**

Qui peut dire qu’il a fait un parcours sans faute ? On est tous fragiles, on a tous fait des erreurs. Celui qui découvre la possibilité de l’amour vrai après un parcours mouvementé a peut-être pris du temps pour trouver le bon chemin, mais il l’a trouvé. Le pire n’est jamais d’être tombé ou d’avoir pris des chemins de traverse. Le pire, c’est de rester à terre.

Le Seigneur est prêt à nous relever, à prendre son temps pour nous attendre. Rien n’est jamais perdu. Les sacrements sont là pour nous rendre capables de mener bien des combats difficiles. Le Seigneur peut guérir toutes nos blessures. Pour cela, confions-lui notre vie affective. ** Quels sont vos conseils pour se préparer à vivre un véritable amour ?**

Si on accepte de prendre les moyens, Dieu fera le reste, ça c’est merveilleux. D’abord, être attentif au groupe d’amis. Entretenir des amitiés vraies. Les camarades pas clairs, il faut avoir le courage de s’en écarter, le courage d’être différents. Dans une soirée, quand ça commence à déraper, mieux vaut partir ! Éviter les situations à risques ! Faire attention à l’autre pour ne pas le tenter.

Je rends grâce à Dieu d’avoir eu un groupe d’amis supers, on partait ensemble en vacances, etc. On partageait le même idéal. Si dans une soirée il y en a dix qui se tiennent bien, c’est contagieux. Parce qu’il y en a beaucoup autour de vous qui n’y arrivent pas mais qui y aspirent. Notre cœur est fait pour la vérité.

Extrait du site de www.famillechretienne.fr


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