["Amour & Vie", "Le Père Gaspard Craplet aux jeunes : « Aimez de façon chaste. Le grand don se fera dans le mariage »"]

Habitué aux questions des 15-25 ans sur l’amour et la sexualité, le Père Gaspard Craplet explique comment apprendre à aimer l’autre, en donnant des repères pour un choix véritablement libre.


93dcbdf6 2409 4383 a50e b10d4196e955 l

Le Père Gaspard Craplet aux jeunes : « Aimez de façon chaste. Le grand don se fera dans le mariage »

Habitué aux questions des 15-25 ans sur l’amour et la sexualité, le Père Gaspard Craplet explique comment apprendre à aimer l’autre, en donnant des repères pour un choix véritablement libre.

Quand on est amoureux, on est tentés de rester collés. Comment rester libres ?

Pour aimer, on a besoin de se fortifier, et non de se reposer sur l’autre. Avant de poser de la glu sur une surface, on respecte le mode d’emploi : polir, nettoyer au savon, laisser sécher, attendre 30 secondes. Sinon, elle ne tient pas, ou mal. De même, il existe un ordre à respecter pour s’aimer sur la durée. La première étape est d’abord de se construire, pour être un beau cadeau à offrir. Si l’on appuie deux bâtons l’un contre l’autre pour y suspendre un vêtement, ils tiennent mal. Il vaut mieux qu’ils soient chacun solidement plantés, proches mais autonomes. Certes, on grandit en qualité humaine en se donnant. La prière scoute le résume bien – «Apprends-nous à être généreux» –, mais il ne s’agit pas de se donner sans réfléchir. Sinon, comme on est blessé, on a le réflexe de séduire, de dominer, de se mettre en valeur, d’attirer l’autre à soi et de l’utiliser pour son plaisir personnel. Le grand don se fera dans le mariage. Avant cela, il s’agit de s’entraîner à prendre des responsabilités, guider d’autres jeunes, rendre service, aimer de façon chaste en mettant les autres en valeur. On peut aussi prier pour cette personne que l’on ne connaît pas encore et que l’on épousera.

Pour aller plus loin

Le Père Gaspard Craplet est prêtre de la Société Jean-Marie-Vianney et chargé de la pastorale des jeunes. Diplômé d’alpinisme, il anime pour eux des camps en montagne et répond à leurs questions sur les réseaux sociaux. Fort de son expérience en montagne, le prêtre alpiniste sait combien les préparatifs sont fondamentaux. Pour fortifier les jeunes dans leur désir de construire leur vie affective et relationnelle solide, il propose un livre exigeant et pédagogique, dans la lignée de celui l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, Aimer en vérité. Le Père Gaspard Craplet, grand connaisseur des réseaux sociaux, a découpé le sien en chapitres courts et incisifs. Son propos direct est étayé par des exemples concrets, glanés dans les camps qu’il anime. Sans éluder les sujets sensibles, comme le consentement, les préliminaires à la relation sexuelle ou les pièges de la pornographie, il donne des pistes pour se préparer au grand amour et pouvoir un jour, en toute liberté, se donner pleinement dans le mariage. (O. F.)

Quelle est la deuxième étape pour aimer librement ?

Penser que l’on va mieux connaître l’autre en le collant est une fausse piste. On manque de recul, on ne le voit pas vraiment tel qu’il est. Plus on passe de temps ensemble, plus on s’attache à l’autre, plus le sentiment affectif grandit, et plus la liberté se perd. En se voyant dans des circonstances qui laissent libres – dans un groupe, par exemple –, on apprend petit à petit à mieux le connaître. On voit la manière dont il participe aux discussions avec des personnes, gentilles ou pénibles, on observe la façon dont il se dispute et se réconcilie. On peut également solliciter l’avis d’amis qui nous connaissent bien. En revanche, ils n’oseront sans doute pas prononcer une parole libre et vraie si l’on est déjà identifié comme un couple. «Ne méprise pas un bon conseil», dit Tobit à son fils Tobias, dans le Livre des Proverbes. Lorsque l’on tombe amoureux de quelqu’un d’extérieur à son groupe, on essayera de l’y intégrer ou d’inviter d’autres personnes avec lui. Je ne recommande pas le face-à-face, que j’appelle le bini bini – je préfère cette expression latine. C’est plutôt le moment de sortir à plusieurs, rejoindre une chorale, organiser l’anniversaire d’un ami ensemble, faire des maraudes ou du sport, participer à un ciné-club… Le moment de se mettre au service, de se faire des grands amis plutôt que des petits copains.

Combien de temps faut-il rester amis avant de se déclarer ?

Ce temps dépendra du moment où l’on est prêt à s’engager. On sort ensemble, on partage des activités, la relation devient difficile à cacher. Quand on commence à être sûr de son amour, on peut déclarer sa flamme, mais sans harponner. On aimerait dire tout de suite : « Je t’aime », mais le temps est l’allié du discernement, l’amour prend patience. Si l’on a déjà des projets communs et que l’on pense au mariage, on n’est pas pour autant fiancés. On peut éventuellement voir des personnes de confiance ou un prêtre pour réfléchir à la suite, toujours dans la discrétion. Il est possible de se rendre chez les parents de l’autre à plusieurs, mais une fois présentée sa «grande amie» à ses parents, il y a un avant et un après. Si l’on se rend à l’enterrement de la grand-mère de son amoureux, mieux vaut ne pas s’asseoir sur le banc de la famille, au risque d’officialiser la relation et de perdre sa liberté.

Quand on est amoureux, on a envie de manifester son amour physiquement. Pourquoi y prêter particulièrement attention ?

Je ne vois pas de problème à manifester son amour physiquement, à condition de s’engager ! Sinon, quel amour manifeste-t-on ? Beaucoup de jeunes n’ont pas conscience de tout ce que leur amour gagnerait s’ils se gardaient pour l’union plus forte, plus vraie, dans le mariage. Beaucoup suivent la pente de la facilité et écoutent leurs sentiments, imprégnés par des séries où les amoureux s’embrassent et terminent aussitôt dans un lit. Ils ne voient pas qu’ils sont enchaînés par cet amour charnel qui les empêche de discerner. Quand le corps s’investit pleinement, un attachement réciproque se développe et marque la mémoire et l’intelligence.

Comment choisir librement sa femme ou son mari si l’on est déjà attaché ? Quand on a des relations sexuelles avec une fille ou un garçon en dehors du mariage, on croit lui dire : « Je me donne à toi pour toujours. » Mais non, on a juste une relation sexuelle. On vole au mariage ce qui lui est dû. Quand on habite ensemble, c’est pareil : on délègue au temps, aux événements et à l’habitude la décision de se marier, on devient esclave d’une relation jamais vraiment choisie. Certains cèdent par peur de perdre l’autre, de le décevoir ou d’être ridicule face à leurs amis. Pourtant, quelle joie de se dire «oui» pour toujours librement, d’avoir attendu le mariage pour se donner uniquement l’un à l’autre ! C’est la joie d’avoir atteint un haut sommet, qui portera du fruit durant la vie conjugale.

** Ne faut-il pas « essayer » avant, pour être sûr de ne pas se tromper ?**

« Je préfère l’essayer plutôt que de le tromper pendant quarante ans parce qu’il est nul au lit », m’a confié une jeune fille. C’est pourtant une vaste fumisterie d’essayer. Un seul test ne prouvera rien. Faudrait-il alors tenter l’expérience avec plusieurs personnes ? Et selon quels critères décider du succès d’une union ? Sans compter qu’on ne peut « essayer » toutes les situations, par exemple celle d’un époux au chômage, qui fait une dépression ou est débordé par ses enfants. Certes, il n’est pas évident de rester chaste, mais je crois à la vertu de prudence. Une fois que l’on se rapproche physiquement, un geste en appelle un autre, et c’est souvent l’engrenage. Lorsque ces gestes ont été posés, on ne peut pas revenir dessus. Pour manifester notre tendresse, le Seigneur nous a donné un cerveau, pas seulement des émotions. Je dirais qu’il faut encore plus faire attention aux gestes quand la relation est sérieuse. Plus tard, on oubliera un baiser, mais on se souviendra si l’autre a respecté ma liberté. Si on la lui laisse, qu’il reste et nous choisit, on sera sûr de son amour dans la durée.

Mais si les deux amoureux sont d’accord ?

Souvent, on se permet de mordre sur la liberté de l’autre en se disant que l’amour ne fait rien de mal. Mais est-ce bien pour elle, est-ce bien pour lui ? Ce geste est-il ajusté ? Au fond d’eux-mêmes, les jeunes savent qu’aimer n’est pas avoir des relations sexuelles. Elles doivent sceller l’engagement des cœurs, pas l’inverse. Quand on s’encorde en montagne, c’est pour se tirer vers le haut. Chacun doit avoir à cœur de hisser l’autre vers le sommet, en le laissant libre. Lorsque l’on pose des gestes intimes ou que l’on vit ensemble, on crée des liens, on s’habitue aux qualités et aux défauts de l’autre, notre liberté peut en être amputée. On s’aime trop pour se séparer, mais pas assez pour s’engager. Quand on choisit d’aimer quelqu’un, on s’engage entièrement, pas seulement son corps. Un jeune m’a dit qu’il préférait «profiter de sa jeunesse». Mais justement, profitons de notre jeunesse pour construire une vie qui en vaille la peine !

Après s’être fortifié, avoir observé l’autre évoluer parmi d’autres, des éléments de certitude apparaissent. On pense tout le temps à lui, son existence relève de l’évidence, on a peur qu’il meure. On a regardé objectivement ses qualités et ses défauts, on a questionné son entourage, on se demande s’il ne serait pas l’homme ou la femme de sa vie. Dieu nous l’a fait rencontrer dans sa Providence, mais personne n’est parfait, et personne ne nous est destiné de toute éternité. À un moment, il faut savoir se décider, sachant qu’on est vraiment libre jusqu’au «oui». Je me souviens même d’un père de famille qui a laissé à son fils la possibilité de renoncer au seuil de l’église. C’est une fois engagé que Dieu accompagne notre choix pour construire désormais avec cette personne d’élection.

La chasteté consiste à ne pas désirer posséder l’autre. Elle n’est pas un état et ne relève pas de la pureté rituelle. On peut la perdre, mais on peut aussi la reconstruire ; saint Augustin a eu un enfant avant de devenir évêque. La chasteté s’apprend en s’entraînant à être dans le don de soi : je tiens la porte à quelqu’un, j’aide une dame à porter sa valise, je ramasse les papiers dans la rue. Rien n’est perdu, et j’admire la beauté de ceux qui décident de s’y atteler après avoir chuté. Ils remettent à l’honneur leur liberté et se dirigent vers le mariage avec une conscience redoublée de sa signification.

Dieu a-t-Il vraiment à cœur cette continence ? Dieu a un intérêt fort pour le couple, car Il l’a créé à son image. Nous sommes faits pour nous donner pleinement. Jésus nous a montré l’exemple en se donnant sur la Croix. À la messe, par l’Eucharistie, ce don se renouvelle à chaque fois. Les amoureux qui vont ensemble à la messe assistent à un mariage, celui du Christ et de l’Église sur la Croix. Ils sont dynamisés par cet exemple et par l’intensité de cet amour donné. Chaque messe donne de la force, celle du don pur et total, et peut-être celle de s’engager !

IN FAMILLE CHRETIENNE


S'abonner à la newsletter


© Copyright Jeunesse si tu savais
Mentions légales - Développé par Ayenci