["Église", "Espérance et perplexité après le pèlerinage de Chartres"]

Quelques jours après le pèlerinage de Chrétienté, le père Pierre Amar, prêtre dans les Yvelines, recense quatre « grâces » et quatre « tentations » dans le monde traditionnaliste et appelle chacun à cesser « les excommunications réciproques ».


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Espérance et perplexité après le pèlerinage de Chartres

Quelques jours après le pèlerinage de Chrétienté, le père Pierre Amar, prêtre dans les Yvelines, recense quatre « grâces » et quatre « tentations » dans le monde traditionnaliste et appelle chacun à cesser « les excommunications réciproques ».

Le saviez-vous ? L’imposante cathédrale de Chartres est remplie trois fois par an. Une première fois lors du pèlerinage annuel des Tamouls installés en France. Une seconde fois pour le pèlerinage des Guides et Scouts d’Europe du département voisin des Yvelines. Une troisième fois, enfin, chaque lundi de Pentecôte, pour la messe de clôture - en latin - du pèlerinage traditionaliste organisé par l’association Notre-Dame de Chrétienté. À vrai dire, ce dernier ne fait pas que remplir la cathédrale car le parvis et les rues adjacentes sont noires de monde. Deux choses frappent immédiatement : les nombreux prêtres mais aussi la jeunesse des participants, deux points qui suscitent tout à la fois espérance et perplexité.

« La déchristianisation de l’Europe est le programme de ceux qui veulent lui voler son âme » : le sermon du cardinal Müller à Chartres ** Des chefs, des pères et des amis**

Espérance car, à l’évidence, cette jeunesse a soif de piété, de sacralité et de transcendance. Une exigence qu’on retrouve de plus en plus dans d’autres rassemblements d’Église. Ces pèlerins semblent très heureux d’avoir fait un effort (100 km à pied, tout de même !) pour honorer Dieu et la Vierge Marie, pour se sentir vivre leur foi sans complexe et avec fierté. Sont-ils attachés au rite ancien ? Une partie oui, mais tous sont au moins heureux d’avoir marché et prié ensemble, avec cette liturgie dont beaucoup reconnaissent la beauté. Il y a cent ans, Charles Péguy écrivait des lignes absolument splendides sur cette quête spirituelle qui ne laisse pas indemne. C’est le même esprit qui anime aujourd’hui encore les colonnes de pèlerins qui traversent la Beauce et se réjouissent à la vue des flèches de la cathédrale dont on célèbre le millénaire en septembre prochain.

Perplexité car la liturgie en France reste hélas un lieu de divergences, de souffrances et de disputes. Il est difficile de savoir comment tout ceci peut avancer. Benoît XVI avait eu à cœur d’y apporter deux remèdes : le temps long et la rationalité, bien mis à mal tous les deux. Mais un chemin doit être fait. D’un côté, plutôt que d’espérer que ce mouvement s’essouffle, ne peut-on voir dans ces familles et ces prêtres des appuis et des soutiens à accompagner et éduquer pour l’évangélisation de notre pays ? Les évêques gagneront à être pour les « tradis » ce qu’ils essayent d’être avec les autres : des chefs mais aussi des pères et peut-être même des amis. Et ils pourront être des chefs s’ils sont aussi (et d’abord ?) des pères et des amis !

** Une « solution à la française » ?**

De l’autre côté, on doit progresser sur des postures difficilement recevables, peut-être même vivre quelques conversions. On me demandait ainsi récemment quelles pourraient être les lumières mais aussi les ombres du monde « tradi ». À mon sens, il porte quatre grâces : une indéniable culture religieuse ; un accueil généreux de la vie ; une capacité certaine à la transmission ; un sens du péché et de la grâce. Mais il lutte aussi contre quatre tentations : l’absolutisation d’un rite (faisant de la liturgie non plus un moyen mais une fin) et la culture de la citadelle assiégée. On constate en plus, pour certains tradis, une prise de distance avec le Magistère récent ou la hiérarchie, au profit d’un fonctionnement en parallèle, ainsi qu’un archéologisme liturgique un peu décalé.

Avec et malgré tout cela, comment sortir de ce qui ressemble parfois à un dialogue de sourds ? La ligne tracée par Rome n’est pas très aidante, entre concessions généreuses et brutales restrictions. Livrés à eux-mêmes, les évêques et les diocèses ne pourraient-ils pas développer une « solution à la française » ? Je proposerais bien de reprendre les conseils pour un couple qui se dispute souvent mais ne veut pas se séparer : dialogue renforcé, pardon généreux, aventure commune à revivre. Au-delà des pétitions et des jugements a priori, que se prenne à tous les niveaux le temps de la rencontre pour une meilleure compréhension mutuelle !

Pour une évangélisation commune

Et si nous cessions les excommunications réciproques, les brevets de « vrais » catholiques, la valse des étiquettes « progressistes » ou « intégristes » ? Reconnaissons le courage de chacun à vouloir vivre en chrétien au milieu du vide spirituel d’aujourd’hui et réjouissons-nous de la générosité des nouvelles générations. Pour rassembler des personnes différentes, le plus simple est de partager une mission commune. C’est ce que fait Jésus à l’Ascension avec ses apôtres : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 19-20). N’est-ce pas à cela qu’il faut sans cesse revenir : annoncer Jésus-Christ ? Des initiatives et des œuvres de charité portées ensemble, une évangélisation à laquelle chacun participe selon ses charismes : voilà ce qui nous fera dépasser les débats interminables, les agacements légitimes et les inquiétudes paralysantes… sans attendre d’être d’accord sur tout et de pouvoir tout partager. Car finalement, comme l’écrivait déjà saint Paul avec un bon sens qu’il nous faut sans cesse retrouver : « Qu’importe ! De toute façon, que ce soit avec des arrière-pensées ou avec sincérité, le Christ est annoncé, et de cela je me réjouis » (Lettre aux Philippiens 1,18).

EX "FAMILLE CHRETIENNE"


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