Le père Jean-Baptiste Golfier, responsable des week-end de fiancés à l’abbaye de Lagrasse, accompagne avec ses frères chanoines des milliers de fiancés. Dans un ouvrage de référence, Les fiançailles, il redonne ses lettres de noblesse à un sujet parfois délaissé par les futurs époux.
Le mot « fiançailles » tombe en désuétude, pourquoi le remettre à l’honneur ?
Parce que le mariage va mal. Les couples ne se marient plus et presque la moitié de ceux qui se marient divorcent. Les fiançailles méritent d’être redécouvertes. Elles sont comme une période d’essai dans une entreprise, ou un noviciat dans un monastère, une période d’ajustement, de discernement et de préparation fondée sur une promesse. Elle s’étend du moment où les amoureux « se mettent ensemble », jusqu’au mariage ou à la rupture, mais ne commence vraiment qu’à la bénédiction des fiançailles. Cette bénédiction n’est pas un sacrément mais un précieux « sacramental », c’est-à-dire un rite institué par l’Eglise pour obtenir des effets spirituels, au service du sacrement de mariage. Elle dispose les fiancés dans leur corps, leur cœur et leur âme. Ils sont alors aidés par la grâce divine pour mener à bien leur réflexion.
Quel est l’enjeu pour les fiancés ?
Se préparer avec sérieux avec un premier engagement, qui est une promesse de mariage devant Dieu, les deux familles et leurs amis. C’est le moment où chacun des fiancés quitte son statut de célibataire, passe moins de temps avec ses proches, et prend du temps pour s’ajuster à l’autre sur le plan psychologique, moral, matériel, spirituel et intellectuel.
Avez-vous des conseils pour réussir cette préparation ?
La formation doit aider les fiancés à fonder leur amour sur le roc, et non le sable comme cela leur est trop souvent proposé. Certaines préparations n’évoquent pas du tout le sacrement de mariage et sont axées sur la psychologie. D’autres traitent seulement de la théologie, mais hélas on se dispute rarement sur le Concile de Trente… Une formation solide implique d’abord du sérieux et du travail qui vont permettre de bien discerner si c’est la bonne personne, et ensuite de s’ajuster à elle. Ils doivent aborder des questions théologiques, morales, psychologiques et spirituelles tout en restant très pratiques, sur la question par exemple, des écrans ou de la belle-mère, de l’argent ou de l’éducation des enfants. C’est pourquoi je propose beaucoup de tests et de questionnaires pour y réfléchir, séparément et en couple, puis avec les prêtres et les époux qui vont les préparer les fiancés.
Qu’apporte votre livre par rapport à tout ce qui existe déjà ?
J’essaie humblement de compléter ce que les autres très bons livres disent rarement. D’un côté, j’apporte des précisions théologiques, bibliques et historiques. De l’autre, j’évoque des aspects incarnés, sur la question si sensible de l’immaturité affective, les bonnes et mauvaises raisons de rompre ses fiançailles, les douze petites vertus à déployer facilement par tous les fiancés. Je parle de la longue tradition de la bague de fiançailles, biblique et païenne. Les amoureux ont besoin de signes sensibles et extérieurs pour se rappeler leur promesse, c’est bien légitime. Sait-on aussi que le baiser entre les fiancés, prévu dans les rituels de fiançailles jusqu’au XVIIIe, parachevait la bénédiction ? J’essaye de remettre en valeur les chartes de fiançailles, un engagement écrit bienfaisant et responsabilisant pour les fiancés. Enfin, j’insiste beaucoup sur leur liberté, à laquelle la chasteté participe, un magnifique cadeau qu’il faut oser reproposer aux fiancés. Elle permet l’intelligence de bien discerner, la volonté de rester libre et apte à se donner, au service de l’amour et de la fidélité.
Faut-il alors proposer des fiançailles aux concubins non pratiquants ?
Oui, d’autant qu’ils sont majoritaires. J’ai aussi écrit ce livre pour eux, d’ailleurs le sous-titre de mon livre indique « une chance pour tous les couples ». J’aimerais qu’ils prennent conscience de l’importance de cette étape préliminaire. On se moque d’eux en leur proposant une formation au rabais. La bénédiction des fiançailles et la redécouverte de la chasteté est aussi pour eux, car elle renouvelle leur amour et leur tendresse. Des concubins peu ou non pratiquants que j’ai accompagnés m’en ont témoigné. Il ne s’agit donc pas de se mettre en règle ou de souscrire à une cérémonie bourgeoise, mais de redécouvrir la sagesse de l’Eglise et la puissance de ce sacramental au service de leur bonheur.
Comme un plat qui se prépare
« Un légume cuit trop vite est peu digeste », résume le père Golfier pour remettre à l’honneur les fiançailles. Cette étape pose les bases solides d’un futur mariage. Dans un ouvrage complet clair et structuré, qui deviendra probablement une référence, le chanoine de l’abbaye de Lagrasse, docteur en théologie et accompagnateur de fiancés, aide les fiancés à discerner, à identifier leurs adversaires et à réfléchir à leurs priorités. Les annexes sont également très utiles, avec des tests, des questionnaires précis et des prières dédiées. Avec tous ces ingrédients mijotés dans la casserole conjugale, la soupe des époux promet d’être savoureuse.
Père Jean-Baptiste Golfier, Les fiançailles, Salvator, 278 p., 20 euros
IN FAMILLE CHRETIENNE