["Église", "« Les fidèles inquiets du synode sur la synodalité doivent-ils se taire ? »"]

« vouloir annoncer l’Evangile en l’inculturant » à un monde post-moderne serait un sabordage pour l’Eglise


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« Les fidèles inquiets du synode sur la synodalité doivent-ils se taire ? »

« vouloir annoncer l’Evangile en l’inculturant » à un monde post-moderne serait un sabordage pour l’Eglise

Le Saint-Père a exhorté les fidèles réunis place Saint Pierre le 30 septembre à « réapprendre à faire silence ». Il a aussi souhaité « que le Synode soit un kairós [moment] de fraternité, un lieu où l’Esprit Saint purifie l’Église des bavardages, des idéologies et des polarisations ». Les nombreux fidèles inquiets de la tournure que prend ce synode sur la synodalité doivent-ils désormais se taire ? L’Ecclésiaste répondrait qu’« il y a un temps pour tout », un temps pour se taire et prier et un temps pour parler et argumenter. Le fait que les débats synodaux aient lieu à huis-clos préserve certes la liberté de parole des participants mais semble contredire le souhait exprimé par ailleurs d’une plus grande participation de tous les fidèles à la vie de l’Eglise. Comment en effet participer au discernement collectif si la teneur des échanges n’est pas connue ? Il est vrai que le synode n’est qu’un organe de conseil du pape et qu’il n’a en lui-même aucun pouvoir de décision. Au terme du parcours synodal, fin 2024 - début 2025, il appartiendra au pape François ou à son successeur d’engager sa responsabilité pontificale pour déterminer les questions en débat. Jusque-là, il convient que chacun prie, s’informe et… donne librement son avis. La Providence divine conduit l’Eglise mais elle passe toujours par des médiations humaines. Tentons alors de prendre un peu de recul pour envisager certains enjeux essentiels du synode. La méthode finit par déterminer la doctrine

L’agenda du synode et le style qui lui a été insufflé par les autorités vaticanes coïncident avec « le rêve » exprimé par le cardinal Martini lors d’un autre synode, celui consacré à l’Europe en 1999. A la veille du Jubilé de l’an 2000, le fameux bibliste jésuite avait pointé des « nœuds disciplinaires et doctrinaux » qu’il espérait voir dénouer par « un instrument collégial universel qui fasse autorité ». Cet appel feutré à un concile Vatican III relayait les aspirations d’une frange de l’Eglise désireuse de mieux inculturer la foi et la morale chrétiennes au monde contemporain. Etaient notamment nommés comme nœuds la place de la femme dans l’Eglise, la crise de recrutement du clergé frappant les pays sécularisés, la redistribution des « responsabilités ministérielles » entre prêtres et laïcs et la délicate question de la discipline du mariage, en l’occurrence l’admission aux sacrements des divorcés et remariés civilement.

Il est manifeste qu’après la crise des abus sexuels, la légitimation de l’homosexualité dans nombre de pays occidentaux et le déploiement d’un néo-féminisme virulent, le pape François a considéré qu’il était temps de jeter dans la mare ecclésiale le pavé martinien. Non pas en convoquant un nouveau concile mais en appelant tous les fidèles à participer à un long processus synodal qui porterait sur… la synodalité. Dans cette entreprise, le sujet et l’objet, la forme et le contenu, les moyens et la fin sont perçus comme devant s’identifier. Il s’agit d’initier des processus irréversibles en instituant une nouvelle méthode. Synode et méthode renvoient à la même étymologie, hodos qui signifie chemin en grec. A ceux qui pourraient s’étonner que l’Instrumentum laboris porte aussi sur des contenus bien concrets, en l’occurrence ceux qui intéressent le plus les médias (les femmes, les homosexuels, les hommes mariés ordonnés prêtres, etc.), il faut répondre que, dans une telle perspective, la méthode finit par déterminer la doctrine. Une postmodernité « foncièrement postchrétienne »

En effet, rappelons les présupposés de la démarche énoncés, dans La Croix L’Hebdo en janvier dernier, par le cardinal Hollerich, ancien missionnaire jésuite au Japon et rapporteur général du synode. Le monde vit, dit-il, une « révolution anthropologique » qui apporte un « changement de civilisation ». Dès lors l’expression du message de l’Église est devenue « incompréhensible » pour la plupart de nos contemporains. Si l’Église veut être médiatrice du Christ, il faut qu’elle accepte de « s’adapter » à cette nouvelle donne anthropologique. Il lui faut commencer par « écouter » en dialoguant « humblement » avec ceux qui ne viennent pas dans les églises et avec ceux qui sont « aux marges » de l’institution, « sans exclusion ». De cette écoute naîtra un nouveau « langage » rendant davantage crédible le message évangélique. Ce changement de paradigme théorisé également par le cardinal allemand Walter Kasper au début d’un autre processus synodal, celui sur la famille en 2014, consiste à inculturer l’Evangile dans le monde postmoderne.

Le risque d’une telle démarche vient du fait que la postmodernité n’est pas un simple paganisme. Elle est foncièrement postchrétienne, c’est-à-dire qu’elle prétend avoir « digéré » les valeurs chrétiennes et en être l’aboutissement. Dès lors, vouloir annoncer l’Evangile en l’inculturant à un tel monde ne peut que l’altérer. La doctrine pourra certes être déclarée inchangée, puisque de toute façon elle est perçue comme un idéal, ce qui importe est d’initier de nouvelles pratiques, un nouveau style compatible avec les exigences de la culture postmoderne. On comprend que, dans une telle perspective, il convienne de décrocher pratiquement la foi et la morale chrétiennes d’une anthropologie déclarée incompréhensible, frein à toute « évangélisation ».

Thibaud Collin Famille Chrétienne


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