["Église", "Cinq cardinaux font part de leurs doutes à propos du synode"]

Ces prélats questionnent le Saint-Père sur des sujets comme l’ordination des femmes, la bénédiction des couples homosexuels ou encore l’autorité du pape.


5e61befe d86a 47a5 b1a1 52c0b7b7de48 l

Cinq cardinaux font part de leurs doutes à propos du synode

Ces prélats questionnent le Saint-Père sur des sujets comme l’ordination des femmes, la bénédiction des couples homosexuels ou encore l’autorité du pape.

Adressée au pape par cinq cardinaux, une lettre évoquant des doutes vis-à-vis du Synode sur la synodalité a été rendue publique le 2 octobre. Ces prélats questionnent le Saint-Père sur des sujets comme l’ordination des femmes, la bénédiction des couples homosexuels ou encore l’autorité du pape. En réponse, le Vatican a publié une lettre adressée à ces mêmes cardinaux en juillet.

Mgr Raymond Burke et Mgr Robert Sarah (de gauche à droite) font partie des cinq signataires des dubia adressées au pape François en juillet puis en août

C’est une lettre qui fera certainement grand bruit au Vatican. Cinq cardinaux ont décidé de rendre public un courrier envoyé au pape où ils soulèvent plusieurs doutes vis-à-vis du synode sur la synodalité qui s’ouvre ce 4 octobre. Les signataires de ce courrier sont Mgr Walter Brandmüller, cardinal allemand, ancien président du comité pontifical des sciences historiques, Mgr Raymond Burke, cardinal américain, ancien cardinal protecteur de l’ordre de Malte, Mgr Juan Sandoval Iniguez, cardinal mexicain, Mgr Robert Sarah, cardinal guinéen, ancien préfet de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements et Mgr Joseph Zen, cardinal chinois, archevêque émérite de Hong-Kong. Il s’agit de cinq prélats au profil conservateur. Dans ce courrier envoyé au pape fin août et resté sans réponse selon eux, ils utilisent la forme très courante des dubia (doutes en latin). Ils posent ainsi plusieurs questions au pape afin d’éclaircir certains points sur le synode.

« L’enjeu de ce synode est d’abord spirituel » Des doutes « aggravés » par une première réponse du pape

Pour justifier la publication de ce courrier, les cinq prélats évoquent des « déclarations contraires à la doctrine et à la discipline constante de l’Eglise » ou encore « une grande confusion parmi les fidèles » qui les ont poussés à manifester leur « profonde préoccupation » au pape. Ils indiquent avoir dans un premier temps adressé cinq « dubia » au pape François le 10 juillet. Une réponse de huit pages envoyée aux cardinaux le lendemain a d'ailleurs été publiée par le Vatican en guise de « réponse officielle » et définitive à ces interrogations selon une source vaticane. Pourtant, en juillet, le courrier du Souverain Pontife n’aurait pas satisfait les cinq cardinaux : « Ayant étudié sa lettre qui ne suivait pas la pratique habituelle des responsa ad dubia [réponses aux questions], nous avons reformulé les dubia pour obtenir une réponse claire fondée sur la doctrine et la discipline pérennes de l’Église. » Une nouvelle missive, précisant les points à éclaircir à leurs yeux a donc été envoyée au pape le 21 août. Celle-ci n’aurait pas reçu de réponse jusqu’ici, ce qui les a poussés à rendre public ces doutes à quelques jours de l’ouverture du synode.

Dans leur lettre du 21 août, les cinq prélats indiquaient tout d’abord au pape que ces questions n’étaient pas motivées par « la crainte du dialogue avec les hommes de notre temps ». Ils précisaient toutefois rapidement leur préoccupation : « nous sommes inquiets de voir qu’il se trouve des pasteurs qui doutent de la capacité de l’Évangile à transformer le cœur des hommes et finissent par leur proposer non pas une saine doctrine, mais des « enseignements selon leurs propres désirs » ». En outre, ils expliquaient que les premières réponses du pape « n’ont pas levé [leurs] doutes mais qu’elles les ont plutôt aggravés. » À lire aussi Inquiet des « bavardages », le pape invite à « réapprendre à faire silence » à la veille du synode

Inquiet des « bavardages », le pape invite à « réapprendre à faire silence » à la veille du synode Ouverture du pape à des "formes de bénédiction" des couples homosexuels

La première interrogation des signataires porte sur la crainte de ces prélats de voir les « changements culturels et anthropologiques de notre époque » pousser l’Eglise à enseigner « le contraire de ce qu’elle a toujours enseigné ». Cela pourrait concerner la confession, les conditions d’accès aux sacrements ou encore l’observance de la loi morale. Les cardinaux demandent donc au pape de les assurer qu’à l’issue du synode, l’Eglise n’enseignera pas de doctrine contraire à celle qu’elle enseignait par le passé.

Leur seconde dubium est axé sur la bénédiction des couples homosexuels. C’est une crainte qui a été exacerbée depuis le mois de mars. L’Eglise d’Allemagne avait voté en faveur d’une bénédiction des couples homosexuels lors d’un synode national. La question de l’intégration des personnes LGBT dans l’Eglise se fait de plus en plus pressante et devrait faire partie des débats lors de cette session du synode. Dans leur lettre, les cardinaux s’inquiètent donc « du fait que la bénédiction des couples homosexuels puisse dans tous les cas susciter à confusion, pas seulement dans la mesure où elle pourrait les faire apparaître comme analogues au mariage, mais aussi en ce que les actes homosexuels seraient présentés en pratique comme un bien. » Ils demandent donc au pape de réaffirmer son opposition à la bénédiction de couples homosexuels. La question soulevée est double puisqu’ils demandent également au pape si l’enseignement selon lequel tout acte sexuel en dehors du mariage et a fortiori tout acte homosexuel est toujours contraire à la « loi de Dieu ».

Dans le courrier daté du 11 juillet, publié aujourd'hui par le Vatican, le paoe François indiquait que « l’Église a une conception très claire sur le mariage : une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à engendrer des enfants ». Dans cette perspective, « l’Église évite tout type de rite » concernant des couples en situation irrégulière, qui risquerait de « contredire cette conviction », précise-t-il. Il avait toutefois entrouvert la porte à des « formes de bénédiction » pour des couples homosexuels, à condition qu’elles s’accompagnent de « prudence pastorale » et ne transmettent pas « une conception équivoque du mariage ».

Le synode, une avancée vers l’ordination des femmes ?

Les cinq cardinaux s’interrogent ensuite sur le pouvoir qu’aura le synode sur le magistère de l’Eglise. « Le synode sur la synodalité est aujourd’hui représenté comme si, en communion avec le Pape, il représentait l’Autorité Suprême de l’Eglise, » notent-ils. Le Synode n’est pourtant censé être qu’un organe consultatif, qui plus est s’il ne représente pas le Collège des évêques. Entre les lignes, on comprend que les cardinaux regrettent que l’avenir de l’Eglise soit mis entre les mains d’une « sélection choisie de pasteurs et de fidèles ». Les cardinaux veulent donc s’assurer auprès du pape qu’il gardera son Autorité suprême au sein de l’Eglise au côté du collège des évêques.

La quatrième dubium concerne un autre point polémique : l’ordination des femmes. Ils font pour la première fois référence à la première réponse reçue par le Saint-Père en juillet : « vous avez ajouté qu’il est nécessaire de comprendre le sacerdoce, non pas en termes de pouvoir, mais en termes de service, afin de comprendre correctement la décision de notre Seigneur de réserver les Ordres sacrés aux seuls hommes. Néanmoins, dans le dernier point de votre réponse, vous ajoutez que la question peut encore être approfondie. Nous craignons que certains n’interprètent cette déclaration comme signifiant que la question n’a pas encore été définitivement tranchée. » C’est pourquoi ils demandent au pape François la confirmation que seuls les hommes baptisés pourront toujours recevoir le sacrement de l’ordre.

En juillet, le pape avait répondu à cette question en évoquant l’impossibilité d’octroyer l’ordination sacerdotale aux femmes établie par Jean-Paul II dans les années 1990. Cette position de son prédécesseur était une « déclaration définitive » mais n’a pas de caractère « dogmatique », rappelle François. Elle ne peut pas être « contredite publiquement » mais peut faire « l’objet d’études », assure-t-il, mettant notamment en avant la complémentarité et non l’infériorité du « sacerdoce commun » des fidèles par rapport au « sacerdoce ministériel » des prêtres. Un synode qui ne fait pas l’unanimité

Enfin l’ultime questionnement adressé au pape François concerne l’absolution des péchés. Les cinq cardinaux signataires de cette lettre craignent la disparition d’une des conditions essentielles pour être absout d’un péché lors d’une confession : la ferme résolution de ne pas le commettre à nouveau. Ils souhaitent donc la confirmation du pape que le futur synode ne remettra pas en cause cette condition pour bénéficier de la miséricorde divine.

Ces cinq dubia vont, à coup sûr, provoquer un certain remous au Vatican à quelques jours de l’ouverture du synode. Elles sont la preuve qu’une partie de l’Eglise possède un certain nombre de réserves au sujet du processus synodal, en particulier du côté des plus « conservateurs ». Loin du tumulte que provoquera peut-être la publication de ce document, les 364 participants au synode participent à l’heure actuelle à une retraite spirituelle qui doit s’achever la veille du début des débats.

Cyriac Zeller (avec Agence I.Media)


S'abonner à la newsletter


© Copyright Jeunesse si tu savais
Mentions légales - Développé par Ayenci